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Le printemps, le foie et le yoga

Du latin primus tempus, le printemps désigne étymologiquement le premier temps, c’est-à-dire le commencement. La saison est marquée par le renouveau à bien des égards : germination, éclosion, floraison… Si ces changements apparaissent de manière flagrante dans la nature environnante, ils se font plus discrets dans notre organisme, qui ne déroge pourtant pas à la règle.

Au printemps, en effet, le corps se réveille, non sans difficultés. Dans ce processus, le foie joue un rôle crucial, à tel point que la médecine chinoise le considère comme l’organe du printemps. Le foie a pour fonction de filtrer le sang pour éliminer les substances toxiques provenant du corps (endogènes) ou de notre environnement (exogènes), notamment en produisant de la bile, un liquide rempli de cholestérol et d’autres toxines liposolubles. C’est pourquoi on dit que le foie est, comme la peau ou les reins, un organe émonctoire, c’est-à-dire un organe dont le rôle est d’épurer l’organisme. Il a également pour rôle de stocker les vitamines et les minéraux, assurant ainsi une fonction nourricière essentielle.

Mais au printemps, le foie est encombré par les toxines accumulées pendant l’hiver. Marqué par la sédentarité et les apports caloriques excédant les dépenses énergétiques, l’hiver est une période d’encrassement, dont les toxines sont des vestiges. Ce dysfonctionnement hépatique explique la fatigue qui se fait sentir au début du printemps, accentuée par le changement d’heure.

Le printemps est donc la saison idéale pour relancer le foie et stimuler ses fonctions d’élimination. D’où la promotion des cures de détox dans les magazines féminins, à base d’aliments restaurateurs comme le pissenlit, l’artichaut ou le radis noir, mais aussi des jeûnes ou des monodiètes, destinés à faciliter le processus digestif. C’est ce qui explique sans doute également que le jeûne chrétien du carême ait lieu à la veille de Pâques.

La pratique yoguique de printemps

Comme l’alimentation, le yoga peut jouer un rôle dans la stimulation du foie. L’un des principes essentiels du yoga consiste à chasser le sang de certaines zones en exerçant sur elles une pression. Lorsqu’on défait une posture, le sang afflue dans ces zones, pour les stimuler et les régénérer. Douce en hiver, la pratique du yoga devient plus vigoureuse au printemps. Axée sur le nettoyage des organes internes, la pratique de printemps stimule les fonctions digestives et l’élimination des toxines, redonnant au corps sa vitalité et à l’esprit sa sérénité.

Les postures de compression comme la posture de libération des vents (pavanmuktasana) ou la posture de l’enfant (balasana), ainsi que les postures de flexion arrière sur le ventre, comme la posture du cobra (bujangasana) permettent d’agir spécifiquement sur le foie, qu’il faut imaginer comme une grosse éponge engorgée de sang. Par compression, le sang est chassé du foie, pour ensuite ré-affluer dans cet organe pendant la phase de relaxe.

Les postures de torsion, comme la demi-lune (ardha chandrasana), ou le crocodile en spirale (makara vakrasana), jouent également un rôle essentiel dans la stimulation des organes internes – foie, rate, pancréas, intestins. Elles donnent en outre de l’énergie en stimulant le système circulatoire et la moelle épinière par la torsion de la colonne vertébrale qu’elles induisent.

Les postures inversées comme la chandelle (sarvangasana) améliorent aussi la circulation dans la mesure où elles désengorgent les zones basses du corps et l’abdomen par inversion du sens de circulation du sang.

La plupart de ces postures sont maintenues entre 1 et 3 minutes, pour permettre au sang de faire 1 à 3 fois le tour du corps. Elles renforcent en outre les muscles dorsaux et abdominaux, produisant une dépense énergétique et favorisant un meilleur maintien.

Mais les postures ou asanas n’épuisent pas la pratique yoguique. Des techniques respiratoires agissent aussi spécifiquement sur la sphère digestive, comme la lumière dans le crane (kapalabhati). Cette série d’expirations rapides effectuées en rentrant le ventre et en remontant le diaphragme provoque un massage de toute la région cardiaque et abdominale, améliorant la digestion.

D’autres exercices procurent les bénéfices d’un véritable auto-massage abdominal : c’est le cas du barattage du ventre (nauli), qui procède par contraction circulaire successive des muscles abdominaux. Classé par les yogis dans la catégorie des actions de purification (kriya), cet exercice agit puissamment sur la sphère digestive.

Le rôle de l’abdomen dans la gestion des émotions

Mais l’action du yoga ne se limite pas à améliorer le processus digestif. La tradition yoguique a toujours considéré le ventre comme le lieu de stockage des émotions. Cette intuition a été confirmée au XXème siècle par l’évolution des connaissances scientifiques, qui a mis à jour l’étroite liaison entre le cerveau et l’abdomen, également appelé deuxième cerveaux ou cerveau entérique. Cette découverte a donné naissance à une nouvelle discipline, la neurogastroentérologie. Outre leur analogie de fonctionnement, ces deux cerveaux sont en relation constante par le biais du nerf vague, qui véhicule un courant permanent de messages entre le cerveau et l’intestin. Le cerveau entérique serait donc capable de transmettre des émotions au cerveau. Les neurones du cerveau entérique produisent notamment de la dopamine, cette hormone connue comme hormone du bonheur, mais également de la sérotonine, une molécule qui joue un rôle important dans la régulation de l’humeur et du sommeil.

 

Loin de se réduire à des fonctions d’assimilation et d’élimination des aliments, la sphère abdominale jouerait donc une fonction essentielle dans la production et la gestion des émotions. Toute action du yoga portant sur l’abdomen modifie donc nos émotions, pouvant par-là améliorer notre sommeil et apaiser notre mental.

 Ecrit le 03/05/2013 par Caroline Verleyen

 Bibliographie 

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